Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Institut du Professeur Max
9 juillet 2015

Littérature (théâtre) : Cyrannette de Bergerac

Cyrannette_dans_le_d_cor2

"

La marquise :

Personne ne va donc lui répondre ? 

Le marquis :

                                                                Personne ?

Attendez ! Je vais lui lancer un de ces traits !

Il s’avance vers Cyranette qui l’observe, et se campant devant elle d’un air fat :

Vous…vous avez un cul…heu…un cul…très gros.

Cyrannette, gravement

                                                                                          Très.

Le marquis , riant

Ha !

Cyrannette, imperturbable

         C’est tout ?...

Le marquis

                                  Mais….

 

Cyrannette

Ah ! Non ! C'est un peu court, monsieur !
On pouvait dire... beaucoup de choses mon Dieu...
En variant le ton, —par exemple, bien vu :
Agressif : « madame, si j'avais un tel cul,
Je serais sûrement une grosse pétasse ! »
Amical : « oui mais il ne manque pas de grâce :
Il est digne de figurer sur un album ! »
Descriptif : « c'est une balle ! ... une sphére... un dôme !
Que dis-je, c'est un dôme ? ... c'est un vrai monticule ! »
Curieux : « croyez-vous qu’il en sortira des bulles ?
Si par hasard quelqu’un voulait souffler dedans ? »
Gracieux : « aimez-vous tant les moulins à vent
Que maternellement vous vous préoccupâtes
D’offrir ce soufflet à leurs ailes délicates ? »
Truculent : « ça, madame, quand vous pétez,
Les vapeurs d’en bas vous montent-elles au nez
Sans qu'un voisin ne crie au feu de cheminée ? »
Prévenant : « gardez-vous, votre corps entraîné
Par ce poids, de tomber par terre sur le sol ! »
Tendre : « mettez-le sous un petit parasol
De peur que sa douceur au soleil ne se tane ! »
Pédant : « l'animal, Madame, qu'Aristophane
Appelle hippocampelephantocamélos
Dut avoir sous le dos tant de chair sur peu d'os ! »
Cavalier : « quoi, l'amie, ce siège est à la mode ?
Pour s’asseoir sur deux chaises, c'est vraiment commode ! »
Emphatique : « aucun vent ne peut, cul magistral,
Etre produit par toi, excepté le mistral ! »
 Respectueux : « souffrez, Dame, qu'on vous salue,
C'est là ce qui s'appelle avoir un beau joufflu ! »
Campagnard : « hé, ardé ! C'est-y un cul ? Nanain !
C'est queuqu'melon géant ou queuqu'potiron nain ! »
Militaire : « une bombe ! Tous aux abris ! »
Pratique : « voulez-vous le mettre en loterie ?
Sûrement, madame, ce sera le gros lot ! »
Finalement parodiant Sade en un sanglot :
« Le voilà donc ce cul qui du corps de sa maîtresse
A changé l'harmonie ! Il faut donc qu’on le fesse ! »
—Voilà ce qu'à peu près, mon cher, vous m'auriez dit
Si vous aviez un peu de lettres et d'esprit :
Mais d'esprit, ô le plus lamentable des êtres,
Vous n'en eûtes jamais un atome, et de lettres
Vous n'avez que les trois qui forment le mot : con !
Eussiez-vous eu, d'ailleurs, un soupçon d’invention
Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries,
Me servir toutes ces folles plaisanteries,
Que vous n'en eussiez pas articulé le quart
De la moitié du commencement d'une, car
Je me les sers moi-même, avec assez de verve,
Mais je ne permets pas qu'un autre me les serve."

 

Edmond Rouston, Cyrannette de Bergerac, 1897, acte I scène 4

 

 

1)    Combien de tons différents Cyrannette utilise-t-elle pour qualifier son propre postérieur ?

2)   Pourquoi se moque-t-elle elle-même de son derrière ? Quel est l’effet recherché ?

3)   Qu’apprend-on du caractère de Cyrannette grâce à cette scène ?

4)   Relevez une gradation, une métaphore, une emphase, une hyperbole

5)   Il s’agit d’une scène d’exposition : quel est le contexte de la pièce ? Quelle en sera l’intrigue ? Résumez la pièce en 10 lignes.

6)   Ecriture : introduisez dans la tirade de Cyrannette une didascalie à chaque changement de ton (gestes, mimiques, déplacements, voix…)

 

Publicité
Publicité
Commentaires
_
Dites donc, vos questions, c'est vachement crédible à l'épreuve du bac français ! Mais j'adore ça :p <br /> <br /> <br /> <br /> La gradation "une balle, c'est une sphère, c'est un dôme ! un vrai monticule !"<br /> <br /> La métaphore, facile : un potiron nain ou un melon géant<br /> <br /> L'emphase : peut être "aucun vent ne peut, cul magistral,<br /> <br /> Etre produit par toi, excepté le mistral !"
Répondre
_
Bravo Professeur Max, j'applaudis des deux mains !! Quel talent !
Répondre
E
Mais c'est un vrai devoir de vrai enseignant ! Les cahiers au feu les maitres au milieu ! :D<br /> <br /> <br /> <br /> Question 3 - Cyrannette est une pratiquante de l'auto dérision
Répondre
P
Merci mesdames... Je suis flatté. Ma modestie est mise à rude épreuve.
Répondre
C
excellent, un pur régal à lire!!! Merci!! et pour les questions, ma foi, je ne suis pas une littéraire donc je laisse cela à des personnes bien plus douées que moi!!
Répondre
Institut du Professeur Max
Publicité
Newsletter
Institut du Professeur Max
Derniers commentaires
Réseau international

Network button

Archives
Visiteurs
Depuis la création 66 372
Publicité