Il y a des matins comme ça où il vaudrait mieux ne pas se lever, dit le dicton populaire . Pourquoi tous les ennuis se donnent-ils rendez-vous au même moment ?
Ouverture du courrier : ça commence par une lettre d’insulte :
« Tu nous casses les couilles, vieux frustré, avec ton institut de merde … » Max ne prend pas la peine de lire la suite et jette le tout à la corbeille.
Deux minutes plus tard, irruption du professeur de lettres.
« Monsieur le directeur, ce n’est plus possible !
- Qu’y a-t-il, Monsieur Roncheux ?
- Les élèves sont insupportables, insolentes, effrontées, impudentes, irrespectueuses, impertinentes, irrévérencieuses, provocatrices, arrog…
- Calmez-vous, Monsieux Roncheux.
- Je ne peux plus enseigner dans ces conditions, je démissionne !
- Monsieur Ron…
- Non non, j’ai pris sur moi, j’ai tout supporté : les bagarres entre Dorothée et Margot, les caprices de Lisette, les colères de Luciana, le sale caractère d’Angéla, je vous en passe ! Mais cette fois, la coupe est pleine ! Je craque !
- Monsieur Roncheux, vous êtes un éminent professeur…
- C’est exact.
- Le meilleur, sans aucun doute ! Et je ne souhaite pas vous voir partir. Je vais vous aider. Que se passe-t-il ?
- Léa et Mylène !
- Léa ? Encore en train de faire le clown ?
- Non ! Elle n’est pas drôle du tout ! Monsieur le directeur, ça fait plus d’une semaine qu’elle a à apprendre une fable de La Fessaine ! Je lui ai demandé de la réciter : elle ne la sait pas ! Elle se moque de moi !
- D’accord ! Je vais m’en occuper ! Et Mylène, c’est la fable aussi ?
- Non ! Elle, c’est l’orthographe ! Vous savez ce qu’elle m’a fait?
- Non.
- Dans son devoir, elle a écrit : j’ai un contentieux avec l’orthographe.
- Bon. Il n’y a peut-être pas de quoi …
- Contentieux avec un c !
- Pardon ?
- Elle a écrit contentieux avec un c au lieu d’un t ! C’est de la provocation, Monsieur le directeur ! Elle l’a fait exprès, j’en suis sûr ! Je lui ai donné une punition, une petite punition de rien du tout, 15 fois… Eh bien je l’attends toujours ! Depuis une semaine !
- C’est inadmissible, je vous l’accorde. Monsieur Roncheux, vous allez retourner en classe et m’envoyer immédiatement ces deux étudiantes.
- Merci, Monsieur le Directeur.
- Allez, dépêchez-vous, vous avez un cours à assurer. »
Monsieur Roncheux parti, Max poussa un long soupir et ferma les yeux… pas longtemps. Quelques coups brefs à la porte le tirèrent de sa torpeur.
Max fit entrer Léa et Mylène, se rassit et les regarda sans rien dire.
« On peut s’asseoir, Monsieur le Directeur ? demanda Mylène.
- Non. Vous savez pourquoi vous êtes là ?
- Pas du tout, Monsieur Maxou. répondit Léa.
- Je m’appelle Max, Léa… Votre professeur de lettres est très mécontent de vous ! »
Les deux étudiantes ouvrirent de grands yeux étonnés et s’entre-regardèrent comme pour se demander mutuellement une explication.
« Léa, tu n’as pas appris ta fable !
- Si, Monsieur Maxou, je l’ai apprise… mais elle est dure !
- Mylène, tu n’as pas fait la punition demandée par Mr Roncheux !
- Quelle punition ? Celle-là ? »
Elle posa son cahier ouvert sur le bureau.
« Pourquoi ne l’as-tu pas remise dans les temps à ton excellent professeur ?
- Excellent, faut peut-être pas exagérer…
- Si si, excellent, j’insiste ! De toute façon, je n’en ai pas d’autres. Votre comportement à toute les deux est inqualifiable ! A cause de vous, Monsieur Roncheux est au bord du burn-out ! Vous n’avez pas honte ?
- …
- Moi, j’ai honte pour vous ! Vous méritez une bonne fessée ! »
Les deux fautives baissèrent la tête sans répondre.
« A genoux sur le canapé ! »
Elles obéirent sans protester.
« Jupes relevées et culottes baissées ! »
Ensemble, presque à l’unisson, elles firent ce que Max leur demandait. Il s’approcha, posa sa main gauche sur le dos de Léa et commença à lui frapper vigoureusement les fesses…
Et c’est à ce moment-là que le téléphone sonna.
« Une seconde, Léa… je reviens.
- Je vous en prie , Monsieur Maxou, prenez votre temps. »
Max décrocha.
« Bonjour Max, c’est Charlotte. »
Charlotte de Langeais, la présidente de la Fondation pour l’Enseignement des Sciences Sociales et l’Education Emancipatrice, principal bailleur de fonds de l’Institut.
« Je ne vous dérange pas ?
- Pas du tout, Charlotte… que puis-je pour vous ?
- Je ne vais pas y aller par quatre chemins, Max : j’envisage d’arrêter de subventionner votre institut.
- Mais Charlotte ? Que se passe-t-il ?
- Des rumeurs… persistantes… font état de mauvais traitements envers vos étudiantes.
- Euh… une minute, Charlotte… Je vous reprends tout de suite. »
Max se retourna vers les deux étudiantes :
« Bon… Vous pouvez vous reculotter et retourner en cours; ça ira pour cette fois .
- Beh ! Et ma fessée ? protesta Mylène.
- Je t’en fais grâce. Tu as fait ta punition, c’est bon.
- Merci, monsieur Maxou. s’écria Léa en se rajustant.
- Je m’appelle Max, Léa ! Je te demande de t’en souvenir !
- Bien sûr ! Je suis désolée, Monsieur Maxou.
- Allez, dépêchez-vous d’aller en cours ! »
Une fois la porte refermée derrière elles, Max reprit le téléphone.
« Charlotte, je ne comprends pas. Il doit s’agir d’un énorme malentendu.
- Je ne crois pas, Max. Vous auriez fessé une jeune femme sans motif.
- Moi ? Certainement pas ! Cette jeune femme, dont j’ignore l’identité, vous a menti.
- Ce n’est pas elle qui vous accuse , Max.
- C’est qui, alors ?
- C’est vous-même, Max. Vous avez avoué.
- Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
- Vous vous êtes confessé à un prêtre. Pour des raisons que je n’ai pas à vous dévoiler, il se trouve que ce prêtre n’a aucun secret pour moi.
- Pas même le secret de la confession ? Je croyais …
- Eh oui, Max, on ne peut faire confiance à personne… C’est malheureux. »
Max était anéanti. Si la Fondation ne renouvelait pas sa dotation, il n’avait plus qu’à mettre la clé sous la porte.
« Ecoutez Charlotte, ne prenez pas une décision, à la légère. Il doit y avoir moyen de s’arranger…
- S’arranger ? Vous croyez que vous pouvez m’acheter ?
- Pas du tout Charlotte ! Je n’y pensais même pas. Mais réfléchissez un peu : si vous arrêtez de nous subventionner, ce n’est pas moi que vous punissez, ce sont tous les étudiants !
- Vous avez raison : c’est vous qui devez être puni, vous seul !
- Oui, Charlotte.
- Je vais donc vous punir moi-même… avec mes petites mains : je vous attends à mon bureau, le mois prochain, dès mon retour de vacances.
- Mais euh…
- Nous avons un contentieux à régler, Max, un sérieux contentieux.
- Un contentieux… oui, avec un T.
- Avec un thé ? Et des petits fours, aussi ?
- Non, je… excusez-moi…
- Dans un mois, Max. Je compte sur vous ! »
Max voulut ajouter quelque chose, mais son interlocutrice avait raccroché.
Dure journée.